Changer d’Europe

Edito  de la Tribune Libre #55
Par Jacques CROCHET, Président de l’Institut Kervégan

 

Les élections européennes du 25 Mai s’annoncent dans un silence assourdissant des médias, plus attentifs à dramatiser les derniers faits divers politiques. La discrétion qui entoure la diffusion des différents programmes politiques, et l’absence d’efforts pédagogiques pour expliquer l’Europe ne sont pas rassurants pour entraîner aux urnes des citoyens déçus, qui n’ont plus confiance dans ses institutions.

Il est tellement simple d’être eurosceptique et de se laisser séduire par un repli identitaire, symbole d’une résignation qu’aucun projet politique n’a pu contrebalancer.

Se construire un destin commun

Comment redonner espoir dans une institution si décriée ?

En réaffirmant que faire l’Europe, car elle reste à faire, c’est se construire un destin commun.

L’Europe regroupe 15 % de la population mondiale, c’est un marché de 500 millions d’habitants qui affiche le PIB le plus élevé dans le monde avec des leaders économiques mondiaux.

C’est un vieux continent chargé d’histoire mais qui peine à croire en son avenir. Elle s’est sans doute trop rapidement élargie en voulant garder des règles qui convenaient bien au noyau de départ. Elle n’a pas su gérer son développement politique, subissant l’influence des Etats-Unis lors de sa constitution, puis intégrant trop de pays sans avoir défini une ligne politique claire. Elle a traité tous les nouveaux arrivants sur le même plan, la règle de l’unanimité dans ses décisions ayant freiné ou bloqué certaines évolutions.

Le poids de la Commission Européenne dans les décisions en a fait rapidement une institution dirigée par des technocrates sans véritable projet politique mobilisateur et le rôle du Parlement Européen a paru bien faible jusqu’à présent.

Se constituer comme une puissance

L’Europe doit se constituer comme une puissance, face à des pays en plein essor, les BRIC, et demain l’Afrique, mais qui ne pourront pas s’imposer seuls, comme l’ont fait les Etats-Unis. Elle doit se projeter dans l’avenir, faire face, tous pays unis, à une mondialisation qui ne laissera aucune chance à des pays isolés et repliés sur eux-mêmes.

Rapidement des questions aussi importantes que les limites de ses frontières, la poursuite ou non de l’intégration, les modifications de sa gouvernance, une véritable politique de défense, devront être abordées.

Relancer l’activité économique

Imposer une politique économique unique à des pays aux stades de développement aussi différents est peu efficace voire dangereux. Cela justifie de maintenir la zone Euro à 18, mais avec des accords de coopération variable. Des pistes comme la mutualisation des dettes avec une vraie solidarité budgétaire, une réelle coordination des politiques économiques et sociales, un assouplissement de la politique monétaire de la Banque Centrale pour relancer l’activité économique, doivent aboutir rapidement à des prises de décision.

L’importance stratégique de l’axe franco-allemand

Les intérêts individuels de certains pays ne pourront pas être privilégiés. Dans un système de type fédéral, les intérêts de tous les états sont communs. Les risques actuels d’éclatement sont tels qu’ils imposent de se mettre en ordre de marche dans un projet partagé dans lequel l’axe franco-allemand retrouve toute son importance stratégique. Sans ce couple uni, fondateur de l’Europe, rien ne se fera.

Il nous reste des efforts à faire pour nous mettre à niveau de notre partenaire allemand en termes de santé économique, et réaliser les réformes structurelles nécessaires à la relance de notre croissance.

L’Europe unie : une utopie ?

Est-t-il utopique de rêver d’une Europe unie, avec des Institutions décisionnaires démocratiquement élues, s’inscrivant dans un projet mobilisateur, exigeant mais porteur de développement et d’espoir pour les jeunes générations?

Pouvons-nous, en France, abandonner ce défaitisme, ce rejet a priori de toute réforme, refusant de voir un monde qui bouge, sous le prétexte que nous sommes uniques et que ce qui marche ailleurs ne réussira pas chez nous ?

L’Europe à construire a besoin de notre courage lucide, de notre énergie, et de notre confiance en l’avenir.

A lire aussi :

Tribune Libre # 55, Édition spéciale élections européennes

> « Générations Europe » par Yves MELANTOIS

> « L’Europe cet idéal à (re)construire » par Mathias CROUZET

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