Étendre une marque à l’international

Pourquoi penser au marketing interculturel

 

Paru dans la Tribune Libre #51 (PDF, 1.27 Mo)
juillet 2013

Auteur : Frédéric BERNIER

 

Certaines entreprises souhaitent séduire de nouveaux segments de clientèle en Europe, Asie ou Amérique latine. Diverses associations et prestataires les accompagnent mais se focalisent souvent sur l’adaptation entre l’offre et les besoins du marché cible. L’enjeu du nom commercial est souvent juste survolé.

Les éléments essentiels de compréhension culturelle gravitent autour de l’histoire religieuse, politique et économique d’un pays. Les codes couleur, la musicalité de la langue, la sémantique, la linguistique… de nombreux critères doivent être abordés pour gagner la confiance et le respect de ses futurs clients à travers une marque lisible et percutante.

Que devient une marque française sur un nouveau territoire ?

Le marketing interculturel est indispensable pour adapter une marque aux spécificités du territoire du consommateur cible.

Saviez-vous par exemple que les internautes allemands ont tendance à vérifier avant leurs achats en ligne si les e-commerçants ont des bureaux en Allemagne ? Les allemandes ont également pour habitude de commander plusieurs tailles d’un vêtement pour faire l’essayage à la maison puis retourner ceux qui ne conviennent pas.

Au Japon, la classe moyenne a un pouvoir d’achat très élevé en comparaison avec le nôtre. Cela induit que toutes les grandes marques de luxe françaises sont consommées au Japon de façon plus vulgarisée.

IKEA s’est confrontée au choc des cultures par le passé. Arrivée trop tôt au Japon la première fois, IKEA n’avait pas trouvé son public car les sujets de la décoration, de l’habitat, n’intéressaient pas les Japonais qui n’avaient pas pour habitude de recevoir chez eux leurs amis. Avec le phénomène d’occidentalisation, la population s’est appropriée les codes européens et les arts de la table, la décoration intérieure, le mobilier, sont devenus des objets de consommation courants, propices au succès d’IKEA.

Au Brésil, le pouvoir d’achat est beaucoup plus important dans les états du Sud que dans ceux du Nord. C’est un pays qui a éprouvé de nombreuses vagues d’immigration (allemands, italiens, japonais) ce qui en fait une terre d’accueil riche et cosmopolite. Cela rend difficile la captation des cibles et la validation d’un nom commercial en phase avec les diverses cultures en présence. Et quelle communauté privilégier ? Pourquoi?

Pour changer de continent, le Sénégal est une destination touristique appréciée. Beaucoup se cantonnent aux safaris tours, aux randonnées et autres circuits bon marché alors que vous pouvez également profiter d’hôtels somptueux aux 5 étoiles. En parallèle, ce pays est également la proie d’un autre type de tourisme, bien moins éthique. Comment penser sa marque dans ce pays si l’on souhaite développer, par exemple, une activité dans le tourisme solidaire ?

Les Émirats arabes unis regorgent d’opportunités d’affaires et représentent pour certains entrepreneurs un véritable eldorado. Le Qatar par exemple, 2ème pays le plus riche au monde (dans le classement du PIB par habitant), aura l’honneur d’accueillir la coupe du Monde du Football en 2022. Comment un pays aussi petit aurait-il pu convaincre la Fifa autrement que par ses atouts économiques et ses enjeux géopolitiques ? Son tourisme est en plein développement également mais son pouvoir d’attraction reste la maîtrise du business des carburants. Quel nom choisir alors si l’on souhaite exporter par exemple, une ingénierie proposant un carburant d’origine végétale ? Comment serions-nous accueillis ? La marque provoquerait-elle défiance ou opportunisme ?

L’adaptation linguistique : un enjeu radical

Il faut veiller à l’adaptabilité linguistique de la marque, voire créer un nouveau nom dédié à un pays ou un groupe de pays cibles.

Dans de nombreux pays arabophones ou asiatiques, l’anglais reste une langue souvent pratiquée. Pour autant, elle n’est pas du tout maîtrisée par toutes les couches sociales. Devez-vous alors penser votre nom à l’export en anglais, en arabe, en japonais ? Tout dépendra de la cible visée.

Je me souviens d’une marque française de tourisme en VPC qui a dû changer son nom pour s’exporter en Italie. En effet, son nom s’assimilait au mot «octopus» alors que la pieuvre est le symbole de la mafia… La direction avait préféré changer son nom, et appliquer le nouveau pour tous les territoires, y compris la France, sa zone de chalandise historique.

En conclusion, évitez donc la simple traduction de votre marque dans la langue du pays cible car c’est au mieux, une approche maladroite, au pire, un risque stratégique qui pourrait vous discréditer définitivement et rompre votre conquête.