Rentrée des classes

Paru dans la Tribune Libre # 16
octobre 2007

 

En cette période de rentrée, l’éducation est un sujet de débat idéal. Tout le monde en parle, depuis les couloirs ministériels jusqu’au bistrot du coin. Qu’il s’agisse du zinc de comptoir ou du rapport de haut niveau, le constat est à peu près toujours le même : ça ne va pas très fort.

Les explications varient selon les cercles de discussion et chacun y va de sa solution. Les tenants de la restauration de la mythique école républicaine s’opposent à ceux qu’ils appellent les « pédagogistes ». Les débats s’éternisent entre l’école de la formation ou celle du savoir. D’un côté on veut ressortir les blouses grises et les galoches, de l’autre on pense que l’élève est plus important que l’enseignant. Tout cela pourrait être intéressant à discuter si ça ne servait pas, le plus souvent, à occulter le réel.

L’éducation se joue traditionnellement depuis longtemps entre l’école et la famille, cette dernière au sens large. Chacun a sa part et prend plus ou moins le pas sur l’autre selon les conditions sociales et… la qualité du cerveau des bambins. Mais depuis une vingtaine d’années, un autre « éducateur » s’est glissé dans le couple famille-école : la télévision et l’environnement audio-visuel en général. 3H30 par jour en moyenne et sans doute beaucoup plus, peut-être pas loin du double pour les enfants.

Bien sur, comme dans les vieux couples, on fait « comme si », comme si la consommation de télévision était maitrisée, comme si les valeurs dispensées par les grands médias étaient sans importance… Tous les parents diront bien sûr que « chez eux, tout est sous contrôle » ou que  » les enfants ne regardent pas ce qu’ils veulent ». Évidemment, ce n’est pas vrai et les enfants passent beaucoup plus de temps avec la télévision qu’avec leurs parents et leurs enseignants. D’ailleurs, le récepteur est désormais présent dans la chambre des mômes, avec en plus un ordinateur dont l’objet principal est aussi de dispenser de l’image via Internet. Youtube, Dailymotion, Myspace sont les nouvelles chaines de télévision dévorées par les enfants.

Il faut donc prendre en compte cette situation sans tomber dans le « tout fout le camp, mon pauvre monsieur » mais en essayant de comprendre la société qui nous entoure. La diffusion audio-visuelle rythme la vie sociale mais l’éducation à l’image est quasi inexistante et nous dépensons une grande énergie pour réformer un dispositif d’enseignement prévu pour une époque révolue.

Nous ne reviendrons pas en arrière mais là aussi, comme dans les vieux couples, on se ment à soi-même pour éviter d’avoir à se poser les vraies questions. La télévision, Internet et tous les nouveaux médias ont besoin d’être sérieusement étudiés et d’abord avec l’objectif de comprendre leurs effets réels. Ils sont soit rejetés comme étant chargés de tous les maux soit considérés béatement comme la solution à tout. Une nouvelle approche de l’éducation ne peut pas se faire sans prise en compte de la place de ces médias, sauf à vouloir fabriquer des générations de crétins qui goberont tout sans le moindre esprit critique. Quelques intellectuels ont commencé ce travail (Debray, Wolton, Missika) mais la friche est encore épaisse.

A titre d’exemple, un peu d’éducation à l’image permettrait de mieux comprendre et analyser le fonctionnement de la vie politique et notamment de l’action du Président de la République. Ce dernier a parfaitement intégré les mécanismes de l’image et de sa diffusion en se positionnant lui-même comme une sorte de rédacteur en chef de l’ensemble des médias audio-visuels. Ce n’est ni bien ni mal, c’est juste une réalité et sa concurrente malheureuse de mai dernier agit de la même manière. C’est déjà un motif de réconfort : les deux principaux candidats à la Présidence comprennent la société dans laquelle ils vivent. Les autres vont bien finir par suivre.