Aide-mémoire

L’Europe : une évidence à redécouvrir

 

Article paru dans la Tribune Libre #49 (pdf, 1.24 Mo)
mars 2013

Le devoir de mémoire jouerait-il le même rôle par rapport à l’Histoire que le principe de précaution avec la prise de responsabilité à savoir, un usage abusif de concepts pour mieux justifier l’immobilisme ?
Il n’est nullement question ici de remettre en cause le bien fondé de considérants, par ailleurs fondamentaux, mais d’alerter sur leur possible dangerosité quand ils sont utilisés consciemment ou inconsciemment à des fins anesthésiantes.

Tant de choses semblent devoir faire mémoire et surtout être commémorées alors que l’Histoire, elle, interroge le passé pour éclairer l’avenir et questionne tout comportement  à l’aune d’enseignements hérités de situations comparables. Nous devons donc nous instruire de ce passé car nos comportements actuels, confrontés à des situations bien que par nature différentes, peuvent s’en trouver enrichis, améliorés. Les fondations de notre maison d’aujourd’hui ne se construisent pas sur la seule évocation des ruines d’hier.

L’impératif de modernité devrait rester une ambition joyeuse inscrite dans une dialectique bien comprise de la continuité. Or la mémoire de commémoration nous entraine paradoxalement à oublier notre passé en tant qu’élément constitutif de notre futur. Elle ne fait que figer dans le temps nos émotions nous écartant d’une analyse causes/conséquences quand c’est ici et maintenant que les conflits se déclarent, les violences s’exercent, les dominations se perpétuent en se sophistiquant.

C’est aussi pour cela que l’Europe, que nous évoquons par ailleurs dans ce numéro, nous apparait plus comme une évidence à redécouvrir que le simple fruit de la seule expression d’un «plus jamais çà».

Dans les années 80 du XXème siècle, une association s’était créée localement prenant le nom de «mémoire courte». Si celle-ci est trop souvent la norme, du fait de la propension naturelle des peuples à tourner rapidement les pages, la mémoire longue, celle justement qui forge l’Histoire, est quant à elle fort mal traitée.

Cela permet sans doute aux technocrates endiablés de faire table rase d’évocations encombrantes, les positionnant en puissants prédicateurs de nouvelles évidences dont eux seuls savent dire la durée de vie. Ils peuvent ainsi laisser l’émotion danser autour de la mémoire se réservant les termes de la raison.

Mais serait-il si dangereux de permettre au plus grand nombre de comprendre plus que de ressentir ? Y aurait-il tant de risques à promouvoir le si beau message de l’émancipation et de la lutte contre l’ignorance ? C’est parfois l’impression que semble donner l’union immatérielle de certains «travailleurs de l’esprit».

Le 12 janvier 1972, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe adopte comme hymne européen, le prélude de l’Ode à la joie de L.V Beethoven