Note de lecture Tribune Libre #59 par Jacques CROCHET

«La Grande Crise. Comment en sortir autrement»

James K. GALBRAITH est professeur à l’Université du Texas. Dans la lignée de son père John K. GALBRAITH, bien connu des étudiants de ma génération, il s’écarte des théories de la science économique dominante. Dénonçant la faillite des politiques d’austérité menées par les gouvernements européens, il prend à contre pied les politiques de rigueur appliquées en France et en Europe. Il s’écarte pourtant du « Keynésianisme » optimiste qu’il a défendu dans le passé, et dont le principal argument était de combattre l’insuffisance de la demande effective globale.

Il rejette le contenu des politiques d’austérité qui ont, selon lui, aggravé la crise en choisissant de baisser les coûts salariaux et les dépenses publiques. Mais il est conscient également qu’on ne peut pas compter sur le retour d’une forte croissance.

Dans son ouvrage il analyse avec précision les mécanismes qui ont conduit à la crise de 2008, en particulier aux États Unis.Il est critique à l’égard de l’Europe, dénonçant le déséquilibre commercial entre l’Allemagne et les autres pays. Cet écart de compétitivité conduit selon lui à une accumulation de dettes publiques dans les autres pays du fait de l’incapacité à s’ajuster (rigidité de l’euro), et de l’absence de stabilisateurs économiques efficaces pour les pays les plus faibles. Il y voit un risque d’explosion et de rejet des institutions européennes.

Pour lui il n’y a qu’une seule crise mondiale de la croissance et de la finance avec des variations institutionnelles entre les États-Unis et l’Europe.

Il ne croit pas à une reprise forte de la croissance. D’une part car le marché de l’énergie est cher et instable mais aussi parce que l’économie mondiale n’est plus sous le contrôle financier des États-Unis et que de nouvelles puissances économiques émergent (Inde, Chine, Russie). N’oublions pas également que nous sommes rentrés dans une ère de changement technologique qui économise le travail et que le secteur financier privé a cessé de servir de moteur à la croissance.

Il n’y a pas de reprise de la demande : la demande publique est entravée par la réduction des dépenses publiques ; la demande privée est freinée par une frilosité des attributions de crédits et des anticipations négatives.

Il rejette la croissance zéro, et préconise d’organiser l’économie pour générer une croissance à taux faible, stable et positif. Ce qu’il appelle « la Croissance lente ».

Cela a pour conséquence de :
Réduire la taille de certaines institutions (grands corps de l’État) ;
Revoir le système bancaire actuel. Il propose un système décentralisé avec de petits établissements (dans le cadre d’un service public) ;
Réduire le rôle de l’État avec une nouvelle fiscalité plus incitative ;
Maintenir une protection sociale forte puisqu’à priori les revenus actuels ne vont pas augmenter ;
Trouver de nouveaux domaines de travail rémunéré utiles ;
Mettre en place un revenu personnel garanti ;
Assouplir les conditions d’accès à la retraite pendant un laps de temps pour ouvrir des  emplois aux jeunes travailleurs ;
Réduire les impôts sur le travail…

Cet ouvrage est intéressant car il oblige à réfléchir autrement et à sortir des cadres d’études habituels. En fait, Il préconise tout ce qui est dénoncé par les gouvernements européens.

Tout n’est pas à prendre au pied de la lettre, mais remettre en cause quelques idées reçues est utile intellectuellement.

Jacques CROCHET

Le livre

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La Grande Crise, comment en sortir autrement,
de James K. Galbraith, Éditions du Seuil

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Tribune Libre #59 (pdf)