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Journal du Grand Confinement

Par Claude Weill, auteur de textes à dire et à lire.

En réponse à notre proposition de publication de récits dans la newsletter d’avril 2020, cet enseignant de Français à la retraite et auteur pour le théâtre propose de partager le premier opus de son « Journal du Grand Confinement ». Un récit d’anticipation décalé et souvent drôle sur les conséquences sociales, environnementales, économiques, démocratiques de cette crise sanitaire vues depuis son balcon.Claude Weill propose aussi de nous plonger dans la poésie en piochant chaque jour dans sa collection personnelle un poème court qui entre en résonance avec la période. 


1337e jour après le Grand Confinement

Devant mon balcon, c’est vraiment la savane… Dans l’herbe haute hier soir, au coucher du soleil j’ai vu un renard. Cela n’a pas l’air de troubler les chats, apparemment il ne les chasse pas, quant aux poules sauvages elles  ont appris à se réfugier dans les arbres ; je pense qu’il doit manger les rongeurs. Ensuite je n’ai plus rien vu, la nuit est tombée, c’était l’heure du couvre-feu.  J’ai fermé mes volets et éteint mes lumières d’autant que j’ai entendu passer une patrouille de vigilants.

Aujourd’hui, jeudi j’ai le droit de sortir  à  « l’heure des vieux ». II va encore falloir enfiler cette foutue Kombi, j’ai horreur de ça ! D’autant que je dois enfiler l’ancien modèle, celui qui s’attache dans le dos… Le modèle récent est dans le lave-linge. Et puis j’ai horreur aussi de me retrouver avec des gens qui ont tous mon âge. C’est déprimant !

Une chose me réjouit cependant : pour aller en ville je vais prendre le tram-cheval… J’adore ! ça, c’est le côté positif de la disparition des véhicules individuels.

J’ai préparé ma liste de courses. J’en ai un peu marre du riz, des pâtes, et du rutabaga. Je ne comprends pas pourquoi  en période de crises on se rabat sur le rutabaga ! Pendant la guerre mondiale les allemands avaient réquisitionné les patates, mais là ? Je ne comprends pas. Plus assez de cultivateurs peut-être… Malgré tout la répartition du temps de travail, c’est une bonne chose. Le mois prochain mon fils aîné doit travailler, il va faire  « son temps » comme on dit, le mois dernier c’était celui de sa compagne. Avec le SUV « Salaire Unique de Vie », ils ne s’en sortent pas trop mal, d’autant qu’un tas de choses inutiles aujourd’hui ont complètement disparues.

Dimanche je vais pouvoir aller les voir : jour de circulation… Mais avec le port de la kombi obligatoire pour les réunions de plus de 4 personnes, je n’irai pas pour le repas. Siroter  la soupe et le vin avec une paille ce n’est pas… ma tasse de thé !

> Retrouvez la suite du journal, poèmes et autres textes sur la page Facebook de Claude Weill.