Retour sur la Conférence avec Elvire Fabry specialiste des relations extérieures de l'UE

Elvire Fabry et les négociations sans fin du TAFTA / TTIP

Peut-on expliquer sans simplifier les négociations du traité de libre-échange transatlantique (TAFTA/TTIP) ? C’est la tâche ardue à laquelle s’attelle Elvire Fabry, chercheure spécialiste des relations extérieures de l’Union européenne (UE) à l’Institut Jacques Delors. Mardi 13 octobre 2015, elle a essayé de faire œuvre de pédagogie devant une quarantaine de personnes réunies sur l’île de Nantes à l’initiative de l’Institut Kervégan.

Du jamais vu depuis plus de dix ans. Le 10 octobre dernier, à Berlin, entre 100.000 et 250.000 personnes manifestaient contre le traité de libre-échange transatlantique (TAFTA) également appelé TTIP – pour partenariat de libre-échange transatlantique, en anglais. Car le débat est d’abord sémantique. « Il est clair que les opposants utilisent le premier sigle, plus péjoratif, quand les partisans préfèrent le second, plus positif », décrypte Elvire Fabry, chercheure senior à l’Institut Jacques Delors.

Classique et inédit

Mais de quoi s’agit-il en fait ? D’abord d’une négociation commerciale classique, entamée en juillet 2013, après plus de vingt ans de préparation, qui inclut par exemple l’abaissement des tarifs douaniers. « Mais elle comprend aussi des choses plus nouvelles comme des convergences réglementaires entre les États-Unis et l’Europe, complète Elvire Fabry, avec deux hypothèses pour chaque norme : ou bien il y a une équivalence et on peut établir une reconnaissance mutuelle, ou alors il y a trop d’écart et on ne procède à rien du tout ».

L’ampleur de la zone économique concernée est aussi inédite, puisque le grand marché transatlantique concernerait 45,5 % du PIB mondial. Au regard des enjeux, il y a eu déficit d’explications reconnaît la chercheure. « Lors des premiers débats, et je m’inclus dedans, on n’était pas dans le terroir mais uniquement dans les acronymes ». Une opacité entretenue par les États européens eux-mêmes. « Traditionnellement les mandats de négociations sont secrets et outre-Atlantique c’est plus verrouillé encore. La Commission européenne aurait dû passer outre ».

Pétition de 3,2 millions d’Européens rejetée

Début octobre, une Initiative citoyenne européenne (ICE) paraphée par 3,2 millions de personnes, demandait l’arrêt pure et simple des tractations du TAFTA/TTIP, qui entrent actuellement dans leur 11e round (« cycle »). Indiquant que ce n’était pas dans son « champ de compétences », la Commission européenne l’a immédiatement rejetée.

L’hypothèse n’est néanmoins plus tabou, comme l‘a reconnu il y a peu Matthias Felk, secrétaire d’État français au Commerce extérieur. Un enlisement qui en navre certains. « Il ne faut pas attendre et foncer ! Car d’autres super-puissances, comme la Chine, ne se posent pas toutes ces questions », se désole un participant dans la salle.

Elvire Fabry, plaide la prudence et la patience : « parier sur des négociations courtes avec une date butoir à quelques années est clairement contre-productif ». Un raisonnement qui est loin de faire de l’unanimité. « Je ne vois pas pourquoi on s’engagerait dans un tel accord avec les États-Unis, alors que par exemple on ne peut rien négocier avec eux en matière de climat à quelques semaines de la COP 21 », fait remarquer un spectateur. Le débat, lui aussi, est loin d’être terminé.

Par Thibault Dumas, journaliste.

Interview vidéo de Elvire Fabry

Réalisation : Thibault Dumas.

Écoutez l’intervention d’Élvire FABRY

Le débat en photos

Débat : Elvire Fabry

>

Photos : © Thibault Dumas.

Enregistrer

Enregistrer