Le management durable

Paru dans la Tribune Libre #49 (1.42 Mo)
Mars 2013

Auteur : Jacques CROCHET

 

Développer et pérenniser le patrimoine humain de l’entreprise

La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) concerne de plus en plus d’organisations, qui affichent la volonté d’associer réussite économique, respect de l’environnement et politique sociale répondant aux besoins des salariés.

Autour des trois piliers du développement durable (« People, Planet, Profit »), elles affirment dans leur communication les principes d’engagements de l’entreprise vis-à-vis de ses clients et fournisseurs ou collaborateurs, la responsabilité vis-à-vis de l’actionnaire (développement et performance dans la durée et la transparence) et enfin, la préservation de l’environnement et des ressources naturelles.

Elles essaient de mettre en cohérence différentes politiques, parties prenantes du développement durable, en particulier développement économique et préoccupations écologiques. Certaines n’évitent pas l’écueil du « green washing » (en français « éco blanchiment »). Ce sont en général de grands groupes, aux activités polluantes, qui pour « blanchir » leur image, développent une communication à fort contenu écologique. L’articulation entre résultats économiques et attentes des salariés va entraîner une modification sensible du management, si à la posture éthique s’ajoute une posture écologique dans la gouvernance de l’entreprise.

De nouvelles opportunités

Francis KAROLEWICZ, dans son livre, « L’Ecomanagement »*, développe l’idée que la ressource humaine devrait devenir la variable de création de valeur et de richesse au sein de l’entreprise, et non pas simplement une variable d’ajustement à un environnement mouvant. Pour lui les concepts du développement durable représentent une nouvelle opportunité pour mobiliser les hommes et améliorer la durabilité et le développement du capital humain. Nicolas HULOT, dans la préface du livre, affirme que la modification profonde des modèles d’évaluation de la valeur et de la performance est une priorité absolue pour orienter la politique RH de l’entreprise.

On constate aujourd’hui l’émergence de nouveaux concepts : management durable, gestion des ressources humaines durable, gestion responsable des ressources humaines, ou développement des ressources humaines durables.

Elles sont significatives d’une mobilisation de l’ensemble des acteurs en charge de la gestion des ressources humaines, autour de l’affirmation d’une volonté de développer et pérenniser le patrimoine humain de l’entreprise.

Le concept de développement durable n’est pas issu du monde de l’entreprise. A l’origine il a traité de modèles de développement guidés par des choix politiques, et renforcés par une aspiration écologique de la société. La mise en place de la RSE réaffirme l’idée que les entreprises doivent contribuer au développement durable (cf. norme ISO 26000).

En ce qui concerne le volet social, agir dans un souci de développement durable, implique que l’entreprise s’ouvre au dialogue en interne, et développe la collaboration des acteurs avec un réel souci d’ouverture et de transparence.
Ce n’est sans doute pas le cas dans toutes les entreprises, ce qui implique une modification de leur organisation, et des valeurs qui les inspirent.

L’entreprise est le monde du vivant

Faire passer l’idée que la préoccupation du développement durable soit effective à tous les stades de décision peut sembler utopique. Il est nécessaire cependant qu’existe une « philosophie » du management mobilisatrice pour tous les acteurs. Une gestion « durable » des ressources humaines implique la concertation, le respect de l’autre, la transparence, et plus globalement la notion d’engagements réciproques.
Pour Francis KAROLEWICZ, la notion de durabilité passe par l’apprentissage et l’autonomie d’apprentissage.

Dans son ouvrage, il rappelle que l’entreprise est le « monde du vivant ». En décrivant l’articulation entre le management et le développement durable, il identifie quatre macro compétences du vivant dans l’entreprise, à décliner au niveau de l’organisation, de l’équipe de travail, et au niveau individuel:

– Être relié en permanence à son environnement clients, fournisseurs ou collaborateurs, l’appréhender et en comprendre les évolutions,
– Innover en s’adaptant au système,
– développer la coopération et la réciprocité,
– systématiser la réorganisation.

Développées chez le manager, ces compétences renforcent la « durabilité » de la gestion des ressources humaines, en les préservant, en les actualisant et en les développant.

Au sein de l’encadrement, le DRH doit prendre sa part dans la compréhension des facteurs de durabilité, et leur intégration dans la politique RH à mener. Les process de recrutement, la politique de rémunération et la formation sont particulièrement concernés. A la fois vigie et stratège, son rôle est déterminant pour faire évoluer les cultures et pratiques managériales. On attend de lui qu’il aide les autres managers à résoudre l’équation permanente et paradoxale de développer le potentiel de leurs collaborateurs, et donc de s’inscrire dans une démarche durable, tout en générant de plus en plus rapidement du résultat.

Lever des barrières

Il est évident que l’intégration du concept de développement durable dans une entreprise implique une transformation importante de sa culture managériale et organisationnelle. Elle ne peut se faire sans changement important dans les valeurs véhiculées, les comportements des managers et leurs pratiques professionnelles. Elle devra lever des barrières organisationnelles et psychologiques, être fortement soutenue par les dirigeants, et pour son déploiement interne justifier une préparation des managers, en particulier de proximité, afin qu’ils soient partie prenante et mobilisés sur la réussite de l’opération.

La Gestion Responsable des Ressources Humaines, traduit donc dans le domaine du management l’ensemble des préoccupations décrites par le courant de la Responsabilité Sociétale des Entreprises. En se centrant sur l’Homme, elle le replace au cœur de l’entreprise, et de la vision de son patrimoine humain, à préserver et à développer.

* F. KAROLEWICZ, Écomanangement, Un management durable pour les entreprises vivantes. Éditions De Boeck, 2010