A « Journey In France »

« Peut-être Rome n’a-t-elle pas péri si les Romains ne périssent pas » Saint-Augustin

Billet paru dans la Tribune Libre #50 (pdf, 1.72 Mo)
mai 2013

 

I had a dream. La France était devenue un étrange pays touristique dont les premiers guides étaient les français eux-mêmes. Un circuit leur était consacré sur l’ensemble du territoire, évoquant d’anciennes fiertés légitimes des habitants.

Arrivés d’Europe et du monde entier par l’aéroport de Bruxelles, les visiteurs étrangers bénéficiaient d’un accueil populaire chaleureux dans le bassin minier artésien par 40000 coeurs vaillants pleurant sang et or1 les corons disparus dans un stade Bollaert reconverti en lieu de spectacle. Bien entendu une première oeuvre d’art contemporain permettait de baliser le chemin jusqu’au Louvre-Lens : un véritable terril renversé, oeuvre d’un artiste sud-africain.

Le lendemain les visiteurs étaient conviés à découvrir deux installations éphémères : «Bad year»2 à Amiens et «Petrominus»3 à Petit-Couronne. Dans les deux cas, l’artiste chinois auquel avait été confiée une commande audacieuse, symbolisait la fin des énergies fossiles par un savant dosage de matériaux recomposés et d’éclairages furtifs plongeant le spectateur dans un bref mais intense état de panique que viendrait apaiser une étrange parade de théâtre de rue mettant en scène Jeanne d’Arc au pied du Grand Horloge à Rouen.

Bien entendu pas de parcours digne de ce nom sans une halte par Paris où les touristes médusés étaient transportés dans la même journée du Château de Versailles, à la Galerie des glaces customisée, jusqu’au site d’Aulnay sous Bois4 où leur excitation atteignait son paroxysme en découvrant sur cet ancien site ouvrier au coeur d’une banlieue populaire «C4 Vérité» mettant en scène les exploits de Sébastien Loeb, simulant une succession de prise de risques calculés mais chaque fois déconcertants. Un écran géant bordant l’Autoroute A1, sponsorisé par la Prévention Routière, mettait néanmoins en garde contre les excès de telles pratiques.

Le départ pour Metz se faisait tôt le lendemain matin par un train bleu couleur de Schtroumpf car, après avoir visité, dès la descente en gare messine, le «Beaubourg architectonique» du japonais Shigeru Ban, un moment de détente et d’évasion était proposé au parc d’attraction de Maizières où avait été schtroumpfé un haut-fourneau5. Un long câble électrique en aluminium, œuvre d’un artiste indien, courait ensuite le long des 653 kms qu’il fallait parcourir pour atteindre la «Red River»6 de Saint-Jean de Maurienne, œuvre magistrale en cire rouge.

Plus au Sud , un comédien déguisé en Tartarin de Tarascon7, haranguait la foule du haut d’un belvédère en bois, oeuvre de très grande hauteur qu’un artiste brésilien avait érigée et baptisée «Spirituosité» et au centre duquel s’écoulait un mince filet d’une précieuse liqueur. Il ne restait plus aux touristes enchantés qu’à parcourir la distance fort raisonnable qui les séparait alors de la si célèbre Riviera.

I have a dream. Tout ceci n’est bien sûr qu’un rêve. La France et ses territoires continuent à se bâtir dans le souci de la diversité à l’image de notre département en associant fleurons industriels emblématiques et PME, tradition agricole et biodiversité, tourisme et développement durable. Il est clair également que maintenir une activité de pêche maritime ne permet pas seulement de préserver une activité économique mais aussi d’agir en complémentarité avec l’offre touristique.

Le maillage des territoires évite l’apparition de «déserts d’aménagement» préservant ainsi un équilibre apprécié. Mais ce dernier reste fragile par nature et plus encore dans le contexte de forte mutation que nous connaissons. Il convient d’y apporter une attention constante, de puiser dans nos propres forces et espérer agir, par effet de contagion, avec tous ceux qui s’appuient sur les dynamiques d’acteurs et souhaitent permettre à toutes les énergies de se libérer pour éviter que ce rêve angoissant d’un « Journey in France » ne soit pas annonciateur d’un Travel to Canada ou toute autre destination pour de jeunes français en quête d’ opportunités perçues trop souvent comme inaccessibles dans notre pays.

Pour cela il nous faut savoir, sans s’en remettre à un Guide, conjuguer toujours plus d’innovation, d’adaptabilité et de mouvement, plus mais aussi mieux d’Europe, plus d’alternatives énergétiques et de logiciels de croissance adaptés aux enjeux de notre époque. Mais rien de tout cela ne se fera réellement sans refonder un pacte de solidarité
appuyé sur une notion contemporaine du «bien commun».

S’il est facile de porter des propos rapidement incantatoires, il n’est jamais trop tard pour pousser un cri : VITE, OSONS !!!

 

1 couleurs du RC Lens
2 référence à l’usine Good Year
3 référence à l’usine Pétroplus
4 référence à l’usine PSA
5 référence à l’usine Arcelor Mittal
6 référence à l’usine Rio Tinto
7 référence à l’usine Belvédère de Beaucaire