Une leçon de sociologie et de futurologie !

Publié dans la Tribune libre #42 (pdf, 401 Ko)
juin2011

Auteur : Jacques FLOCH

Nous étions quelques uns de Kervégan venus écouter à la médiathèque « Luce Courville » l’éminent sociologue Louis Chauvel, Nantais d’origine, ancien élève de l’École nationale de la statistique et de l’administration économique, sociologue spécialiste des inégalités de générations et de surcroît sinisant reconnu.

Cette rencontre avait le grand avantage d’avoir comme public une classe de Prépa Littérature et Sciences Humaines du lycée Guist’hau. J’ai ressenti une grande différence d’écoute et de compréhension entre ces filles et garçons qui auraient pu être mes petits enfants et ceux de ma génération ou presque. Nous étions très attentifs avec de grandes envies de questionnements sur le discours tenu par Louis Chauvel, alors que lui très habilement (très professionnellement) a su jouer de son auditoire. Sa description historique de notre société, particulièrement pertinente dans son exactitude chronologique a du interroger les jeunes sur le bien fondé de nos organisations sociétales et faire tousser les autres. Il a su raconter les modes de vie de nos parents, ceux du moins qui vécurent les périodes difficiles d’entre les deux guerres, citant en anecdotes la limitation du temps de travail pour offrir du temps de repos pas encore du temps de loisirs. La grande tuerie mondiale suivie par la décolonisation politique des empires européens, tout cela dans une ambiance de reconstructions, de constructions offrant à tout un chacun emplois, salaires, revenus, protections sociales, capacités d’épargnes et de constitutions de patrimoines.

Nos jeunes auditeurs apprenant que la moyenne d’âge d’entrée dans le monde du travail de leurs grands parents était d’environ 17 ans et que bien calés dans un emploi certains, entre 25 et 30 ans envisageaient l’acquisition d’un logement, naturellement les mêmes prétendront à une retraite bien méritée à l’âge de 60 ans !

Louis Chauvel leur a parlé, nous a parlé, de la génération « soixantehuitarde », celle qui aurait mangé beaucoup de pain blanc avec un souci limité de l’avenir. Je dois dire que je n’ai pas partagé son analyse, mes souvenirs de cette époque étant surtout assis sur une sorte de libération de contraintes archaïques dont il fallait se débarrasser.

Les lycéens et les autres auditeurs attendaient la vision du sociologue sur les devenirs, certes nos petits enfants auront 15 à 20 ans de supplément de vie mais d’une vie ni tendre ni engageante. Sa conclusion, simple dans son expression peut, si j’ai bien compris, se résumer à une demande de profondes modifications, en forme d’avertissements : Si nos sociétés (occidentales, riches, soutenues par des systèmes démocratiques) restent basées sur la performance individuelle tant au niveau des formations que des professions beaucoup, trop, iront droit dans le mur. On ne pourra se rabattre sur une quelconque forme de collectivisme, toutes s’étant terminées par des échecs parfois sanglants. Il ne reste plus qu’a inventer autre chose, ce sera la mission du XXIème siècle.

Je ne suis pas sûr que nos jeunes concitoyens saisissent leurs devenirs ainsi, d’autant que ce soir là, on leur a dit aussi que demain ils devront par leur travail assurer le financement des retraites de leurs parents et l’entretien de leurs grands parents devenus dépendants. Louis Chauvel admet toutefois que ces charges seront abusives pour ceux qui auront étudié jusqu’à 25 ans, obtenu un emploi valorisant vers 35, 40 ans et qui à 60 ans auront encore 10 ans d’activités professionnelles devant eux.

Une telle vision de l’avenir ressemble à toutes celles qui ont engendré dans le passé les plus graves remous dans les sociétés établies. Alors il commence quand le XXIème siècle ?