Cabri c’est fini!

Par Jean-Jacques DERRIEN
Publié dans la Tribune Libre # 55, mai – juin 2014

 

« L’Europe, l’Europe, l’Europe » ! Ce n’est certes pas en sautant sur place tel le cabri évoqué par le Général de Gaulle, que les électeurs européens se mobiliseront pour le prochain scrutin du 25 mai qui, comme les sept précédents, est marginalisé dans les calendriers politiques nationaux.

Certains, comme la France, y ajoutent des raffinements spécifiques dans le choix de leurs candidats entre lot de consolation, coût médiatique et positionnement national. Le seul moment avéré de débat fut le référendum du Traité de Lisbonne en 2005, avec les suites désastreuses que l’on connaît. Il fallut en effet gérer les conséquences de cette incongruité qui consistait à vouloir apporter une réponse binaire et un verdict couperet à un sujet complexe par nature.

Quel socle commun ?

Au fil de l’eau l’Europe sert de bouc émissaire aux problèmes rencontrés par les nations alors qu’elle n’en est pas la cause, même si son comportement tatillon, agaçant, technocratique et monétariste ne semble pas suffisamment à l’écoute des peuples. Mais ceux-ci veulent-ils la même chose ou à tout le moins sont-ils d’accord pour un socle commun suffisamment fort ? En d’autres termes que reste t-il du projet européen construit à six dans un contexte de guerre froide et de « Trente glorieuses » ? Seul l’élargissement a semblé valoir projet ces dix dernières années, quand au même moment il pouvait paraître menace.

Quant à la paix ? Il faut savoir dépasser la seule idée de réconciliation même si la paix reste fragile quand les économies vacillent et que les nationalismes ressurgissent. Pour le reste, le monde a évolué. Mais y a t-il la volonté d’une diplomatie et d’une défense communes ? La situation des Balkans dans les années 90 et l’incapacité actuelle d’une parole unique pour dialoguer avec l’Ukraine et la Russie révèlent bien également une insuffisante perception de cette responsabilité continentale, sans qu’il soit besoin d’y ajouter l’étrange isolement de la France face à la montée des menaces dans la si proche Afrique.

Besoin d’un cap politique

Il faut sans doute accepter l’idée que la construction européenne n’est pas le résultat d’un grand soir, qu’il existe 28 façons de la regarder et qu’il faut régulièrement interroger son sens, sa pertinence et son intérêt pour les peuples.

La mondialisation nous fait percevoir la nécessité d’une force européenne cohérente ayant le souci d’une ambitieuse politique de voisinage. Jamais une élection au parlement européen n’a eu autant d’importance pour les futurs choix à venir et les orientations de la Commission. Et plus que jamais l’Europe à besoin d’un cap politique. Mais à jouer avec le feu, il arrive qu’on se brûle…

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