Conférence

« Tournée Générale » à l’Institut Kervégan

Retour sur la conférence dédicace : « Tournée Générale, la France et l’alcool »


Jeudi 13 juin, l’Institut Kervégan recevait Thomas Pitrel et Victor Le Grand, venus présenter leur livre Tournée Générale, la France et l’alcool. Les deux journalistes de Society ont partagé deux ans d’enquête consacrés à l’alcool et aux relations particulières que la France entretient avec la boisson. Nous vous invitons à partir sur les traces de cette exploration des facettes culturelles de l’alcool.

C’est à Prague, autour d’un spritz, que leur est venue l’idée de s’interroger sur ce que l’alcool voulait dire de la France. Quels liens les français entretiennent-ils avec l’alcool ? D’où vient cette « exception culturelle » autour du vin ? Quelles évolutions de la société française la consommation d’alcool traduit-elle depuis le début du nouveau millénaire ? Les deux auteurs tiennent à le préciser : ils n’ont pas cherché ici à faire une enquête sociologique empirique, mais à dépeindre notre société et son rapport à l’alcool à travers de nombreux témoignages.

Reflet des mutations sociales

Tout d’abord, la société évolue et le rapport à l’alcool avec elle. Aujourd’hui, on boit deux fois moins que dans les années soixante, et on boit un peu mieux, en faisant plus attention à sa santé et à la composition de l’alcool.

Différentes manifestations l’attestent : la consommation au bar de l’Assemblée Nationale a baissé de moitié après le renouvellement de 2017, le vin n’est presque plus consommé au travail, et statistiquement, les jeunes boivent leur premier verre d’alcool plus tardivement. Les deux journalistes expliquent également que l’urbanisation croissante et la tertiarisation de l’économie a favorisé cette baisse de la consommation.On boit différemment aujourd’hui, les habitudes de consommation change à travers une volonté de découvrir des produits de qualité porteur de valeur, marqueur de l’identité d’un terroir. On assiste ainsi à l’émergence de brasseries artisanales, de production de vins bios ou naturels… Ces derniers, à défaut d’être totalement inoffensifs sont purifiés de tous les agents chimiques qui pourraient impacter notre santé.

La « start-up nation » participe également à ce changement d’habitudes de consommation. Les applications sur la qualité du vin, les ventes en ligne ou le conseil via Facebook sont autant de petites révolutions qui apportent une touche de modernité dans un milieu souvent considéré comme assez réfractaire aux changements.

Pourtant, la France continue d’entretenir une importante culture de l’alcool, et plus spécifiquement une culture du vin. Il fait même partie du repas français, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il peut servir de cadeau auprès d’autres chefs d’Etat, mais également d’arme diplomatique, comme le révèle la dernière intention de Donald Trump de taxer plus fortement le vin français. Cela révèle que même si la société évolue, l’alcool – et plus particulièrement le vin – continue à occuper une place importante en France. Il en est même l’un des symboles auprès des étrangers !

L’alcool face aux problématiques de notre temps

L’écologie se retrouve aussi comme un thème central de l’enquête. Comment le dérèglement climatique impacte-t-il la production viticole ? Quelles sont les solutions pour y répondre ? Scientifiques et viticulteurs cherchent conjointement les solutions, mais s’accordent à dire que les évolutions se font déjà sentir. Changement de la nature du vin et création de nouveaux vignobles dans le Nord de la France sont autant de signes annonciateurs d’une modification du paysage viticole français, liée au réchauffement global de la planète.

Les deux conférenciers abordent également le sujet des femmes et de l’alcool, et plus précisément sur la vision de la société sur les femmes et l’alcool. S’ils ne pensaient pas avoir à traiter cet aspect, le faible nombre de témoignages féminins a fini par les obliger à s’interroger sur les raisons de cette absence. Habitudes moins traditionnelles et machisme apportent quelques éléments de réponse.

Boire pour créer

S’attaquant à cette idée reçue solide dans l’imagination populaire, nos journalistes démantèlent le mythe de la création artistique faite sous alcool. Tous les artistes interrogés sont formels : on ne peut créer en étant ivre. La boisson sert de source d’inspiration ou de remède à l’anxiété avant de monter sur scène, mais aucun artiste (à part Charles Bukowski) ne saurait réaliser un chef d’œuvre en état d’ébriété.

Consommer avec modération

Enfin, nos invités ne manquent pas de rappeler que l’alcool reste dangereux, et qu’il est responsable d’environ 49 000 décès chaque année en France. Cette conclusion souligne d’ailleurs tout le paradoxe évoqué dans le livre : malgré la connaissance des risques, les français ne sont pas prêts à renoncer à cet « art de vivre », qui demeure tant une source de fierté qu’un incontournable de la culture française.

C’est donc tout naturellement que l’intervention de Thomas Pitrel et Victor Le Grand s’est conclue par une séance de dédicaces et de discussions autour d’un verre de Chardonnay avec les participants et les adhérents de l’Institut Kervégan.

 

L’Interview