Article de la tribune Libre # 63 par Maurice Berthiau

L’Affaire Burkini

La capacité des médias français à dénicher des sujets improbables et surtout à notre classe politique de se saisir de ces chiffons rouges agités sous son nez vient encore d’être démontrée cet été. Sous couvert de laïcité, il s’agit maintenant d’interdire le port d’un vêtement de bains. Cela serait risible si cette affaire n’était pas qu’un symbole supplémentaire de l’immense régression qui menace la condition de la femme européenne.

En effet, ce n’est pas tant le port de ce vêtement de bains par certaines femmes plus ou moins politisées ou instrumentalisées qui est choquant que l’attitude plus générale de certains hommes vis à vis des femmes. Les conquêtes de la deuxième partie du 20ème siècle sont remises en cause (et en cela les « ultra-musulmans » ne sont pas les seuls). La liberté de sortir seule sans être agressée, de choisir ses vêtements sans s’attirer des réflexions salaces, la liberté de son corps et la capacité de dire non, tout cela n’existe pas dans la société future qu’ils veulent nous imposer petit à petit. Qui ? bien sûr, la première réponse qui vient à l’esprit est celle des séïdes de l’Arabie Saoudite . Ce beau pays où, grâce à la pression internationale, une femme peut désormais se présenter aux élections. Oui, mais elle ne pourra faire campagne et surtout elle ne pourra pas participer aux réunions avec des hommes. Cela aussi pourrait porter à faire rire, s’il ne s’agissait pas d’une réalité malheureusement vécue au quotidien de ce pays dans lequel nos dirigeants sont toujours prêts à se déplacer pour tenter de réduire le déficit de notre balance des paiements.

Mais ne nous trompons pas, cet état d’esprit n’est pas réservé aux Saoudiens. Il suffit de tourner le regard du côté de l’Amérique profonde, ou de certains milieux catholiques pour retrouver les mêmes.

Laïcité et Liberté

Alors fallait-il interdire ce burkini ? Le racisme sous-jacent à cette mesure est à peine déguisé. C’est le même que celui qui, toujours sous couvert d’une sacro-sainte laïcité, voulait promouvoir les apéros saucisson vin rouge.

La laïcité, qui n’est pas tant une spécificité française que nous voulons bien le dire, se définit essentiellement comme la non ingérence des religions dans la gestion des affaires publiques. Ce n’est pas à un évêque, à un pasteur ou à un imam d’imposer des choix de vie à la collectivité, mais à ses représentants librement élus par les citoyens. En France, la loi de 1905 qui est le pilier de la laïcité est avant tout une loi de liberté. Liberté de croire ou de ne pas croire, mais aussi liberté d’exercer le culte de son choix, sans que l’État (et par parenthèse les collectivités locales également…) ne finance les moyens de ce culte. En effet, au nom de l’égalité des citoyens, il n’y a aucune raison que l’argent public, collecté par l’impôt, ne soit affecté à une religion plutôt qu’à une autre et aujourd’hui encore moins, alors que la majorité de nos concitoyens n’aspire qu’à vivre en paix loin de toute religion. Certains élus ont eu la tentation de penser qu’il suffisait d’arroser les unes et les autres pour être quitte. Mais heureusement les rédacteurs de notre loi de 1905 ont été clairs dans leur formulation. Ce n’est pas la même chose de dire que l’État ne reconnait ni ne subventionne aucun culte (ce que dit le texte) que de dire que l’État reconnait tous les cultes à égalité (ce qui semble dangereusement se dessiner aujourd’hui).

En effet, la multiplication des participations de représentants de l’État ou des collectivités à des cérémonies religieuses, fussent-elles œcuméniques, relève de cette approche qui n’est pas celle de la loi de 1905. Il faut aussi citer les instances de plus en plus nombreuses où une place est faite aux représentants des religions. Quand la borne est franchie, il n’y a plus de limite… La prochaine étape, à laquelle nous avons échappé de justesse est celle d’impôt spécifique pour financer les cultes.

Valeurs républicaines et respect de la femme

Le clivage droite gauche traditionnel dans notre pays ne s’applique pas dans ce cas qui voit s’opposer plutôt les tenants d’une société libérale-libertaire (j’y inclus les fondamentalistes religieux) et ceux qui tiennent aux principes de base de notre système républicain. C’est par l’éducation et par le rappel des règles qui permettent le vivre ensemble que nous pourrons continuer à profiter des conditions exceptionnelles que nos ainés ont créées. Notre modèle est celui d’une société qui inclut et non d’une société qui accepte les divisions. Un monde où chacun vit en paix à coté de l’autre, mais sans se mélanger, c’est ce que souhaitent les libéraux libertaires. Le modèle républicain c’est celui qui propose un projet commun pour le futur et non celui qui survalorise un passé plus ou moins idéalisé. Alors, il faut intégrer le fait que notre pays a changé, que sa population est multiple et variée, mais que plus que tout, nous avons des valeurs que les nouveaux arrivants doivent partager pour vivre avec nous. C’est d’ailleurs pour ces valeurs que certains ont choisi notre pays.

Le respect de la femme en est une. Et qu’elle porte un burkini ou qu’elle se baigne nue, si cela est son choix librement formulé, sans que le regard des autres ne le lui impose, alors bienvenue dans ma France.

 

illustration à la Une : dessin de @LaSauvageJaune / compte Twitter

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Maurice Berthiau, adhérent IK est aussi Président de l’association 1905 et plusqui a pour objet  d’organiser à Nantes des évènements publics et des rencontres autour de la loi de 1905. Egalement administrateur de La Ligue de l’Enseignement 44.

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